Un romancier doit-il encore écrire des bouquins ?

Eu égard aux revenus de la plupart des romanciers, il est légitime de se poser la question.Celle-ci se dramatise quand on rapporte ces mêmes revenus au temps passé à produire une œuvre.

L’idée n’est pas de remettre en cause la rémunération de la chaine de valeur du livre. Elle est ce qu’elle est, les règles sont établies depuis longtemps et pour longtemps. Mais d’explorer d’autres sources de revenus possibles.

La question qui s’impose est : un romancier peut-il vivre de ce qu’il écrit ?

Alors que j’étais pompier et que j’avais pris un risque stupide, je me suis fait vivement engueuler par mon sergent-chef qui m’a, à juste titre, rappelé qu’un bon pompier était avant tout un pompier vivant.
Il en va de même pour les auteurs. Un auteur est avant vous un individu qui peut manger à sa faim (permettez moi de ne pas revenir sur les répliques du type oui, mais écrire c’est une passion ou encore, ou mais au moins tu fais ce qu’il te plait.)

La question est légitime à plusieurs titres. En voici deux.

Le marché du livre se concentre.
Tout d’abord parce que le marché du livre se concentre, certains disent se best-sellerise. Aujourd’hui, une vingtaine d’auteurs représentent 25% du chiffre d’affaire de l’édition. Les 75% restant étant dilués dans les quelques milliers d’auteurs restant. C’est ainsi. Il n’est d’ailleurs pas question de qualité des œuvres des auteurs gagnants (je ne me permets ici aucun jugement de qualité), mais plus simplement dans la grande majorité des cas de marketing et d’exposition médiatique. J’ai pu en effet constater, à mon modeste niveau, que les ventes de mes bouquins accéléraient de manière plus que significatives dès lors qu’un article les évoquaient.
Autant dire qu’espérer rejoindre le top 10 des auteurs revient à espérer gagner au quinté plus.

Le marché du livre est de plus en plus saturé.
Dans les années qui viennent, plus d’un million d’ouvrages seront disponibles en France. Autant dire qu’il va devenir de plus en plus difficile de faire entendre sa voix parmi la clameur de toute la foule des auteurs prétendant à gagner honorablement sa vie.

Faut-il pour autant arrêter d’écrire et chercher tout de suite un job (si tant est qu’il en reste encore) ?

Non. Parce qu’en chaque crise, réside des opportunités (et parce qu’on aime ça, pas vrai ?)
La véritable question que doivent aujourd’hui se poser les romanciers est : quel est mon véritable métier ?
C’est une question que je me pose au moins une fois par semaine depuis que j’ai décidé de faire de l’écriture ma principale activité. Et j’explore les réponses qui s’offrent à moi tout autant.
Est-il celui de noircir des pages (ou des écrans) afin de pouvoir donner naissance à un livre qui figurera 3 mois durant sur les étagères des libraires avant de se faire emballer dans les cartons de retour ?
Tel n’est pas mon avis.
Un romancier est avant toute chose quelqu’un qui raconte des histoires.
Il a été bien longtemps cantonné au format du livre ou du support papier par défaut.

Les outils de narrations se multiplient aujourd’hui comme jamais.
Le romancier dispose aujourd’hui d’une palette extraordinaire d’outils pour raconter ses histoires. Que cela soit les réseaux sociaux, les blogs et autres sites internet, la vidéo aujourd’hui facilement accessible, les podcats…
Jamais un romancier n’a eu à son service autant de supports de narrations.
Jamais il n’a eu l’opportunité d’être autant en contact avec ses, non plus lecteurs, mais publics.
Cette dimension est d’autant plus fascinante, que le romancier en expérimentant ces supports, se confronte à chaque fois à de nouveaux défis et trempe sa plume dans le feu de nouvelles expériences.

Et l’expérience est passionnante.
Depuis cinq ans j’explore de nouveaux chemins narratifs. Cela se solde parfois par des succès, parfois par des échecs, à chaque fois par une leçon.
Et cette année je pousse le curseur encore un peu plus loin, en ne concevant plus le roman de la dernière saison comme une œuvre finie, mais comme une œuvre ouverte. No Bodies de Yumington est en effet une narration qui durera un an et qui proposera au delà du roman final, un feuilleton publié à raison de deux épisodes par mois, des jeux de rôles participatifs ainsi qu’une web série. Chacune de ses narrations étant indépendante l’une de l’autre tout en restant cohérente et congruente.

La balle n’est donc pas le camp des éditeurs, des diffuseurs ou des libraires.
Elle est véritablement dans celui des auteurs et des romanciers qui ont la possibilité non seulement d’inventer chaque jour des nouvelles histoires mais aussi de réinventer la façon de les raconter.
Nous disposons aujourd’hui de magnifiques opportunités de créations.

Juste un exemple.
Alors que la période 1890 de Yumington était publiée, j’ai décidé de mettre en vente aux enchères une paire de lunettes steampunk que j’avais bricolée en une demi-journée (ces lunettes étaient évoquée dans le bouquin).
Cette paire de lunettes s’est vendue en 24 heures sur ebay et m’a rapportée l’équivalent de la vente de 875 romans (ouais, j’aurais peut-être du les fabriquer en série).

Et pour répondre à la question posée dans le titre, non les romanciers ne doivent pas s’arrêter d’écrire des bouquins. Mais il est vital pour eux d’imaginer des narrations complémentaires à la rédaction de leur bouquin.

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Une réflexion sur “Un romancier doit-il encore écrire des bouquins ?

  1. Intéressante réflexion.
    Je rêve d’être lu, pas forcément d’être édité. Ou alors auto-édité peut-être.
    Pas pour l’argent, là de mon côté j’ai gardé une profession à temps plein. Ce qui a comme conséquence de restreindre les heures passées à l’écriture.
    Ce que je recherche c’est le frisson, la réaction, les remerciements des lecteurs. Et même à mon très modeste niveau, je le reçois. Peu certes, vu le nombre de lecteurs, mais c’est déjà essentiel.
    Votre article me parle; je cherche moi aussi à trouver le meilleur outil de diffusion. Un blog? Oui mais cela a peu de sens sans articles de fond comme celui-ci (et vu mon temps disponible, je me concentre sur les textes), Scribay? Wattpad? Des solutions existent; aux auteurs de les utiliser au mieux… Et surtout de continuer à écrire. Absolument!
    Merci pour cet article et au plaisir de vous lire

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