Et c’est ainsi que je suis devenu facteur, publicitaire, vendeur sur un marché, commercial en vin, serveur, pompier, écrivain, rédacteur pour annonces porno… J’en oublie.
Quand je fais le compte des différents métiers que j’ai exercés, je constate avoir vécu une bonne quinzaine de vies professionnelles. Je me dis que ce n’est sans doute pas fini.
Je me dis parfois qu’il faudrait que j’aborde ma carrière avec, non pas plus de sérieux, mais avec plus de raison. Mais je ne parviens pas à m’y résoudre.
Plus exactement, ma nature propre ne parvient pas à se résigner à exercer la même profession jusqu’à la fin. Non. M’imaginer faire les mêmes gestes, penser les mêmes stratégies ou stratagèmes, raisonner selon les mêmes règles jusqu’à la fin de mes jours, ça me fout la trouille. Une trouille bleue. Celle d’être enfermé, enterré vivant dans un seul et même schéma. Celle de passer à côté de quelque chose de plus exaltant encore. Celle de ne plus apprendre. Celle de ne plus avoir à relever de défis, de ne plus avoir à se mesurer au monde. Celle de ne plus à sauter dans le vide, ce vide de la profession dont vous ne connaissez pas les règles. Celle de ne plus avoir se demander « en suis-je capable? »
Ok. Pas de carrière, pas de revenus stables, la retraite n’en parlons pas, la baraque pour les vieux jours au panier : ce sont des remarques que j’entends régulièrement.
Mon avenir est des plus flous.
Mais si mon présent n’est peut-être pas tous les jours facile, il est extraordinaire. Toutes les richesses que j’accumule ne sont pas financières ni matérielle : elles se composent d’enseignements et de rencontres. Et ce présent, je ne l’échangerai pour aucun avenir au monde.